En quoi consiste une analyse sémiotique des cultures culturales (manières de travailler la terre) et cultures culturelles ?

La sémiotique (sciences des signes et du sens) s’occupe des processus de perception : pourquoi tel geste cultural ou manière de travailler la terre, pourquoi telle manière de se nourrir, d’habiter la terre/Terre, de se vêtir, de communiquer feraient plus ou moins sens pour des êtres humains et des communautés ? J’entends par « sens » un mouvement, une dynamique, une orientation, une force de vie, quelque chose qui attire ou retient notre attention et qui nous parle.   

La sémiotique ne prétend pas décrire le sens ; elle questionne les manières dont les êtres humains sont traversés par des schèmes perceptifs, ces axes sémantiques de base qui constituent la matrice organisatrice de la perception tels que nature/culture ; individu/collectif ; local/global ; vie/mort ; masculin/féminin, continu/discontinu … Ces schèmes universels constitués de pôles en tension et non en opposition sont mobilisés à notre insu de façons différentes selon les sensibilités culturelles et individuelles pour faire émerger des univers de valeurs et de croyance. Leur analyse permet de porter attention aux questions suivantes :

Quels liens nos sociétés tissent avec le vivant ? Des liens de domination, d’opposition, de négation, d’ajustement ? En quoi ces manières de percevoir le vivant affectent-elles les gestes avec lesquels nous façonnons, designons nos milieux ? Réciproquement, en quoi ces derniers nous habitent-ils, nous affectent-ils ? La sémiotique porte attention aux interrelations créatives, non déterministes entre les êtres vivants et leurs milieux. Elle permet de comprendre comment ces interrelations peuvent être bousculées par la coupure qui s’est progressivement installée entre les mondes techno-symboliques des sociétés contemporaines et la Terre, en tant que biosphère reliée au cosmos mais aussi la terre, sol qui nous porte, nous nourrit.

Nicole PIGNIER, Le Design et le Vivant. Cultures, agricultures et milieux paysagers. Edts Connaissances et Savoirs, 2017.